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A partir des noyaux linguistiques et des racines étymologiques liés à la notion de souillure et de corruption, nous avons recensé les termes d'une série sémantique de ce qui a trait à la catégorie générale de la déchéance. Le noyau linguistique et sémantique en est le terme « déchet », issu de la racine indo-européenne kadere (laquelle a donné les termes de caduc, de cadavre, de choir, déchoir, chute, déchéance, chance et déchet bien entendu). Nous pouvons décliner chacun des termes de la série de manière à les relier à des savoirs, à des discours qui ont intégré le déchet en général dans l'appréhension qualitative de la matière. En effet, le terme de déchet est à insérer dans un ensemble de paradigmes (ordure, chute, reste, rebut, reliquat, décombres ...) qui lui confèrent des nuances sémantiques et des connotations différenciées en fonction des modes de perception, de représentation et de conceptualisation de la matière. Ainsi par exemple« l'ordure» se démarque-t-elle du « déchet » dans le sens où elle lui ajoute le discrédit de la saleté comme le suppose la racine même qu'est« l'ord », le« sale» donc. Ensuite, cette disqualification peut être étendue sur plusieurs niveaux avec les accentuations portant sur le nocif, le toxique, le souillant, le corrompu, le décomposé, le pourri, etc. Mais nous devions dans un second temps décliner l'ensemble des termes de façon à en faire ressortir la valeur épistémologique : aussi pour chacune des racines retenues correspond un discours, un savoir ou une science qui prend en compte respectivement chacune des nuances des termes de la série sémantique. Nous avons élaboré alors un modèle de construction sous forme d'une horloge nommée chaotique des termes de la déchéance. En inscrivant chacune des racines considérées dans un dramaturgie temporelle, qui voit une entité matérielle passer de l'intégrité à la décomposition, nous avons émis l'hypothèse qu'à chaque moment de cette désintégration correspond un moment de la rationalité : le débris devient l'objet d'attention des examinateurs des phénomènes de cassure, les décombres être l'objet des analyses des rudologues, !'excrémentiel celui des coprologues, l'élément toxique et le polluant celui des éco-toxicologues et des molysmologues, le cadavre celui des spécialistes de la thanatologie, les restes et reliquats celui des archéologues, historiens, etc.